Albinisme, culture, art et loisirs
Dessiner ou l’art d’accrocher l’œil à la main.
Frédéric Autechaud, membre de GENESPOIR, est albinos oculo-cutané (2/10 en vision globale), il raconte sa pratique du dessin.
"Il peut sembler illogique de pousser un déficient visuel vers le dessin. Pourtant, sans aller jusqu’à parler de thérapie, il y a quelque chose de très valorisant dans le fait de «crobarder» : c’est un talent ou la synthèse des formes, l’économie de geste et l’envie de capter ce qui est important gagnent à passer à travers une acuité réduite.
J’ai eu la chance d’être initié et accompagné d’une façon très décontractée que je conseille à tous les parents. Mon père récupérait des rouleaux de «paper board», ces feuilles format A1 en papier lisse capables de supporter l’encre des markers épais. Le grand format est une invitation à tracer sans trop de précision. L’épaisseur des traits de markers rend le mouvement main-bras nécessaire. Et puis un grand dessin se regarde plus facilement quand, une fois fini, on le punaise au mur. Quelques couleurs suffisent - noir, bleu, rouge - car l’objectif est de faire des formes, pas de les colorier. Je suis né avec les Shadoks mais tout univers graphique minimal servira l’inspiration. L’important, c’est d’encourager à raconter une histoire, à tracer un décor et des personnages simples … et d’approvisionner en fournitures.
Si le plaisir s’installe, je conseille de passer à des formats un peu moins grands et, en priorité, vers la mine de plomb assez «grasse» genre 3B. Le dessin au crayon est assez tolérant et itératif c’est à dire qu’on peut partir d’un tracé rapide et simple pour venir rajouter de qui manque. L’absence de couleur peut sembler une voie austère mais l’enthousiasme pousse à faire des expériences de texture, de modelé. Le cadeau qui aidera à avancer est un truc simple : du papier calque. Un AOC galèrera un peu, au début, à cause des reflets sur la surface mais on finit toujours pas trouver un bon usage à ce papier bizarre.
Pour moi, le dessin a été un moyen de performer bien au delà de toutes espérances. Il y avait certainement l’envie de passer outre ces 2/10e gigotants qui m’interdisaient déjà beaucoup de choses mais c’est surtout un sentiment grandissant de maîtrise du geste qui rassure. Peut-on envisager d’en faire sa carrière ? Passé par les Beaux-Arts, j’y ai croisé quelques très bons dessinateurs à lunettes, le nez toujours un peu trop près de la feuille. J’ai fait un peu d’illustration mais la peur de voir mon acuité baisser m’a conduit vers d’autres activités. Aujourd’hui, à 57 ans, ma vue est stable malgré la presbytie et je me dis que, oui, j’aurai du et pu persister."
Pour les passionnés de lecture : liseuse ou tablette ?
La lecture sur support numérique a été une véritable révolution pour les malvoyants passionnés de littérature et de lecture en tous genres. En effet, ces 15 dernières années, tablettes et liseuses ont beaucoup évoluées, permettant de transporter une bibliothèque entière avec soi, d'agrandir la taille des caractères, de rechercher des mots dans tout le texte, d'utiliser des fonctions de navigation hypertexte, de surligner des passages, d'ajouter des notes personnelles ou des marque-pages, d'écouter le texte grâce à la synthèse vocale, ...
Mais liseuse ou tablette : que choisir pour lire un ebook (livre électronique) ?
La question revient souvent quand on souhaite s'équiper : faut-il choisir une liseuse ou une tablette ? Y-a-t-il vraiment une différence, un confort de lecture ? Pour ne pas être déçu, il est toujours mieux de savoir vraiment à quoi s’attendre.
Au cours de ces dernières années, des produits phares comme la Kindle d’Amazon ou l’iPad d’Apple ont propulsé le marché des liseuses et des tablettes. Comment choisir entre ces deux catégories de produits ? Voici un aperçu de leurs particularités : https://www.liseuse.biz/liseuse-ou-tablette/
Cependant, nuançons le propos car "Liseuse ou tablette ?" nous dit par exemple Fred, AOC avec 2/10 d'acuité visuelle, "ni l’un ni l’autre mais un iPhone parce que primo : c’est plus léger et donc utilisable même couché et deuxio : le format d’écran favorise les lignes pas trop larges, ce qui astreint bien le nystagmus à rester calé au centre. Je lis sur fond noir, typo neutre genre helvetica en 12 ou 13 lignes. Ça oblige à tourner beaucoup de pages mais la fatigue est minimale."
L'albinisme : un handicap ? Pas forcément nous dit ce jazzman.
Dominique Pinon qui habite au Touquet (62), est albinos (vision de 1/10 OG et 1/20 OD) et membre de GENESPOIR depuis sa création. Mais surtout il est musicien de jazz (clarinettiste et sopraniste) !
Il parle de sa passion :
"Depuis ma plus tendre enfance la musique a toujours été pour moi une révélation fascinante ! Elle venait sûrement combler l'isolement créé par ma faible vision.
Ma concentration sur les bruits et les sons me guidait plus que mes yeux à-demi ouverts pour lutter contre l'agression de la lumière.
Entre tous ces sons j'ai très vite associé et harmonisé ceux-ci et dès ce moment la musique entrait dans ma tête pour ne plus jamais en sortir. Des l'âge de 7 ans mon frère aîné, qui lui écoutait les grands du jazz, a fait naître en moi l'envie de devenir musicien de jazz.
J'ai beaucoup écouté cette musique qui très vite est devenue une vraie passion.
Devant cet engouement pour le jazz ma sœur aînée a l'occasion d'un anniversaire m'offrit une clarinette : mon tout premier instrument.
Il faut aussi souligner que j'ai eu la chance d'avoir eu des parents qui pouvaient m'offrir des cours de musique avec des professeurs musiciens confirmés Pendant des années j'ai travaillé l'instrument avec de bonnes bases musicales sans toutefois pouvoir lire une partition du fait de ma faible acuité visuelle. Cependant, mon oreille avait tellement été éduquée à la musique que l'écouter ou la reproduire est devenu chose évidente pour moi.
Ensuite, est venu le temps des orchestres ou mon intégration musicale se passa sans problème particulier grâce à la compréhension et la gentillesse des musiciens connaissant bien mon état visuel.
Je pense que savoir s'entourer c'est le premier des critères à développer lorsqu'on est déficient visuel.
Pour ceux qui se retrouvent dans mes propos, sachez que la MUSIQUE reste à la portée de beaucoup de personnes qui l'ignorent et si un jour elle vous tend la main n'hésitez surtout pas è lui accorder votre attention : elle pourrait bien changer le cours de votre existence.
La MUSIQUE est un langage magique que même les mots ne sauraient expliquer.
La MUSIQUE ne m'a jamais déçu, quand on la joue elle est tout simplement l'ombre de nous-mêmes.
"Joue-moi un morceau, je te dirai qui tu es".
La MUSIQUE restera toujours une grande histoire d'amour entre elle et ceux qui la joue.
Contacter Dominique : antenne.pasdecalais@genespoir.org
Dessinateur-musicien, à moins qu'il ne soit musicien-dessinateur ...
Bernard Armand-Anthony est albinos oculo-cutané mais surtout, il est dessinateur-musicien (à moins qu'il ne soit musicien-dessinateur). Il a notamment collaboré à la réalisation de la brochure éditée par GENESPOIR "L'albinisme expliqué aux enfants et aux parents" dont il a signé les illustrations,
En 2014, en marge du festival international de la bande dessinée d'Angoulême, il obtient un prix au concours annuel de bande dessinée pour jeunes et adultes handicapés, organisé par l'association L'Hippocampe.
Cette même année, La Lettre de GENESPOIR lui consacrait un article dans lequel il témoignait de sa condition d'albinos, de ses passions et de ses sensibilités.
L'article est à lire ici.
L'association L'Hippocampe :
Créé en 2005, avec pour objectif principal le développement d'actions culturelles et artistiques en faveur des personnes handicapées et de leur accès aux arts et à la culture, l'association l'Hippocampe a entre autres objectifs de favoriser la capacité créative d'un public singulier, de permettre aux personnes handicapées d'exprimer leur sensibilité en s'engageant dans un projet original et quelque peu exceptionnel et de permettre leur intégration dans la cité par la reconnaissance de leur talent.
L'albinisme n'a jamais été un questionnement.
Rene-Pierre Lotton, membre de GENESPOIR et webmestre du site Internet, est albinos oculaire (2/10 en vision globale). Cet artiste aux multiples facettes nous livre quelques confidences sur ses passions.
"Je ne me souviens pas d'avoir un jour décidé d'être artiste : l'art fait partie intégrante de mes fonctions vitales comme le fait de respirer par exemple et depuis que je sais tenir un crayon, je n'ai jamais cessé de vivre par et pour la création artistique.
Je pratique indifféremment, et avec autant de passion, le dessin, la peinture, la sculpture, l'écriture, l'art du bonsaï, … et mon albinisme n'a jamais été un questionnement. Ce sont des passions et comme tout individu je me suis donné les moyens de les pratiquer, avec bien-sûr des adaptations et des outils que me sont propres : je dessine et je peins à l'aide de loupes et sous l'éclairage d'une rampe de spots puissants par exemple. Pour la sculpture, le toucher remplace très souvent le regard, mais est-ce si étonnant : tous les sculpteurs n'ont-ils pas ce rapport tactile à la matière ?
Seule concession à l'albinisme : aujourd'hui encore, il m'est insupportable qu'on me regarde travailler. Le nez frôlant le support sur lequel je travail reste un complexe que je n'ai jamais réussi à surmonter !
J'ai été primé et récompensé à plusieurs reprises, j'ai été invité à des salons et à de nombreuses expositions et j'ai beaucoup travaillé à la demande en réalisant notamment de nombreux portraits sur commande.
Mais aujourd'hui, à 73 ans, je revendique mon "égoïsme artistique" en dessinant encore tous les jours mais uniquement pour mon plaisir personnel."
Sa galerie en ligne reflète l'éclectisme de sa production artistique et la grande variété de son travail.