Une visite au labo
Le 27 septembre 2024, Camille, membre du Conseil d'administration de GENESPOIR et chargée de l'antenne Aquitaine est allée à la rencontre du professeur Benoît Arveiler et de son équipe au Laboratoire Maladies Rares – Génétique et Métabolisme, INSERM U1211 du CHU de Bordeaux. Une occasion pour le chercheur de réaffirmer la nécessité des financements alloués grâce aux donateurs de GENESPOIR.
Un peu d'histoire :
En 1995 Fabienne Jouan et son mari, parents de deux garçons albinos créent l'association GENESPOIR pour soutenir la recherche sur l'albinisme alors presqu'inexistante. Ils commencent à organiser des événements dans le but de collecter des fonds destinés à la financer.
Fabienne, alors présidente de l'association se tourne vers le CERTO (centre d'études et de recherches thérapeutiques en ophtalmologie) mis en place cette même année par RETINA France. Le CERTO propose alors de recruter un thésard qui va se consacrer à la recherche sur l'albinisme.
Au cours des 3 premières années d'existence de GENESPOIR, un événement sportif annuel est organisé pour récolter des dons. Cet apport financier va permettre à l'association de financer le travail de thèse d'Olivier Camand au sein du CERTO. C'est la première thèse sur le sujet de l'albinisme en France. A partir de 2003, GENESPOIR, sous la houlette de Béatrice Jouanne sa nouvelle présidente, va continuer à collecter des dons ce qui lui permettra de lancer en 2006 un premier appel à projets auquel elle consacrera 15 000 €. Depuis cette époque la collecte de dons se poursuit et permet chaque année de financer différents projets qui nécessitent un soutien sur le long terme.
En 2005, Benoît Arveiler, intéressé par la recherche sur l’albinisme prend contact avec GENESPOIR et répond à l'appel à projet lancé en 2006 sur le thème du diagnostic génétique (à cette époque, seulement 5 gènes sont identifiés) et soumet son projet de recherche : "quelles sont les causes de l'albinisme, recherche de nouveaux gènes impliqués". Par la suite, chaque année le professeur Arveiler répondra aux appels à projet lancés par l'association et obtiendra des financements qui lui permettront de faire avancer ses travaux et notamment d'identifier de nouveaux gènes impliqués dans l'albinisme. Il a ouvert la voix sur cet axe de recherche pour lequel on trouvait alors bien peu de concurrence.
À partir de 2012 Alexandra Rebsam, de retour des Etats-Unis proposera un premier projet que GENESPOIR soutiendra quelques années plus tard.
Cependant l'association, grâce à ses collectes de dons, continue d'apporter chaque année son soutien financier à l'équipe du professeur Arveiler à Bordeaux, équipe qui s'est progressivement étoffée en développant ses capacités à proposer un diagnostic systématique aux patients albinos et à leur famille.
Parallèlement, GENESPOIR est la première entité à développer la communication autours de l'albinisme en créant notamment un site Internet dédié qui deviendra au fil des années une base de connaissances de référence sur le sujet. Peu à peu, l'association va nouer des contacts au-delà des frontières avec la volonté de fédérer les autres associations européennes autour de la recherche sur l'albinisme. Mais ses efforts restent vains car ces autres associations sont avant tout orientées vers le soutien aux familles.
Pourtant, en 2012 GENESPOIR organise la première conférence européenne sur l'albinisme : the European Days of Albinism, et réunit des sommités européennes en rapport avec ce sujet multifactoriel : ophtalmologues, dermatologues, généticiens. C'est une réussite et par la suite ces EDA seront organisés tous les 2 ans jusqu'en 2020, suscitant l'intérêt des chercheurs en leur ouvrant une proximité avec les patients eux-mêmes et en permettant des échanges pluridisciplinaires qui n'existaient pas jusque-là.
Désormais le laboratoire de Bordeaux représente la plus grosse cohorte d’albinisme au monde avec 2500 cas recensés. Il est à noter qu'à ce jour 30% des cas restent encore inexpliqués et ne peuvent bénéficier d'un diagnostic génétique.
La collaboration étroite entre GENESPOIR et le laboratoire de génétique moléculaire de Bordeaux a permis :
• De développer une plate-forme de diagnostic et un laboratoire de recherche,
• La publication d’une quarantaine d’articles dans lesquels GENESPOIR est citée,
• D'être reconnu au niveau de la recherche internationale,
• De rechercher d’autres sources de financement. Le laboratoire bénéficie du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche et du soutien financier d'un programme de recherche américain.
L'entretien avec l'équipe :
L’équipe est composée de Benoît Arveiler, fondateur du laboratoire de génétique, qui se partage entre le laboratoire de diagnostic et celui de la recherche, de Sophie Javerzat, professeur de Génétique qui a rejoint l'équipe de recherche en 2019 et de 3 étudiants en thèse :
• Elina Mercier qui, en recherche fondamentale travaille sur le lien entre le défaut de pigmentation qui perturbe le développement de la rétine et les anomalies oculaires, et qui, en recherche appliquée apporte son aide au diagnostic du gène OCA2.
• Alicia Defay-Stinat qui travaille sur l’identification des éléments régulateurs des gènes d’albinisme et sur la caractérisation de variants potentiellement pathogènes dans ces éléments.
• Vincent Michaud, médecin généticien qui, dans le contexte de ses travaux de thèse de sciences a développé de nouvelles approches expérimentales permettant de mieux comprendre et diagnostiquer les albinismes oculocutanés.
Les interlocuteurs mettent l'accent sur des points forts :
• Pour espérer mieux soigner et accompagner une maladie, il faut en comprendre toutes les facettes : déterminisme génétique, développement, caractéristiques fonctionnelles.
• Il est très important de diagnostiquer les formes syndromiques en raison des risques hémorragiques notamment et pour améliorer la prise en charge.
• Le financement de GENESPOIR et les autres soutiens permettent de financer le fonctionnement du laboratoire, l’achat de matériel et des consommables nécessaires aux différentes expériences pratiquées.
• Les chercheurs sont employés par l'Université de Bordeaux (ils sont fonctionnaires), les thésards le sont par des bourses.
L'interview minute :
Camille : Pourquoi êtes-vous autant passionnés par cette thématique de l’albinisme ?
- Benoît : "ce qui me passionne c'est le lien entre l’activité hospitalière de diagnostic et l’activité universitaire de recherche. Les résultats du diagnostic alimentent nos thématiques de recherche. Au fur et à mesure notre action permet un meilleur diagnostic et donc un meilleur service aux patients. L’activité de recherche nous mène aussi vers de nouvelles connaissances d’ordre fondamental, comme une meilleure compréhension de l’architecture génétique de l’albinisme, la caractérisation des éléments régulateurs des gènes, et l’élucidation de l’effet de certains variants sur la fonction des gènes. Nous allons de plus en plus au fond des choses, c’est extrêmement stimulant”.
- Sophie : "ce qui me passionne c’est qu’il s'agit d'une maladie tout à la fois simple et complexe : simple car on peut la caractériser précisément de manière peu invasive par l'observation, beaucoup plus complexe qu'on ne le croyait par son déterminisme génétique. Grâce aux albinismes, on peut faire des découvertes en termes de génétique fonctionnelle qui pourront peut-être s'appliquer à d'autres pathologies génétiques.
Ce qui est appréciable également c’est que la recherche sur l’albinisme est un milieu sain où la collaboration fonctionne bien entre les différents chercheurs. On partage nos résultats et l’émulation est très positive, ce qui n’est pas forcément le cas dans tous les domaines de recherche”.
- Remarque de Camille : "Dès qu’il y a une publication scientifique sur l’albinisme où qu’elle soit, elle cite le laboratoire de Bordeaux, ce qui est une vraie reconnaissance car ça montre que les autres chercheurs s'appuient sur les précédents travaux de l'équipe bordelaise".
Camille : De quoi êtes-vous le plus fiers au laboratoire ?
- Benoît : “L’amélioration continue de la qualité du diagnostic qu’on est en capacité de réaliser et le fait d’avoir bâti une équipe performante sur le plan du diagnostic d’une part, de la recherche d’autre part. L’équipe de recherche notamment s’est renforcée avec l’arrivée de Sophie qui nous a rejoint il y a quelques années, ouvrant des perspectives nouvelles avec des modèles cellulaires et animaux. Le fait d’attirer des thésards talentueux est également un motif de satisfaction. L’ensemble de l’équipe est extrêmement motivé. Enfin, nous avons acquis une certaine reconnaissance internationale sur l’albinisme".
- Sophie : “Heureuse d’avoir pu apporter le regard de l’embryologiste et une attention particulière à l'épithélium pigmentaire de la rétine dans la recherche sur l'albinisme, c’est à dire d’explorer la phase du développement embryonnaire pour comprendre la pathologie ophtalmologique, qui est trop peu regardée par la recherche".
Camille : Qu’est-ce que GENESPOIR vous a permis ?
- Benoît : “GENESPOIR a été fondateur et fondamental, les premiers financements viennent de l'association, un soutien financier d’une part et un soutien moral fort. Il a toujours été important de savoir que le laboratoire était soutenu par l’association de patients. Le rôle de GENESPOIR est fondamental dans la connaissance et la reconnaissance de l’albinisme, l’association a beaucoup contribué à la mise en place du travail de recherche sur l’albinisme des différents chercheurs en France et même à l’international”.
- Sophie : "Une vraie conscience du financement de GENESPOIR dans les activités pratiques et quotidiennes du laboratoire. Dès qu’un nouveau chercheur nous rejoint, il est briefé sur les subventions de GENESPOIR et les étudiants savent que la matériel et les réactifs qu’ils utilisent pour leur recherche sont financés par cette association. Ils les utilisent avec rigueur car ils savent que les manips coûtent cher (dans les consommables) et que l'argent vient des dons et ils font très attention à leur consommation”.
Camille : Combien de laboratoires dans le monde, travaillent sur la même thématique que vous ?
Finalement il y en a peu :
• En Europe : Bordeaux, Paris, Madrid, Royaume-Uni.
• Plusieurs laboratoires aux Etats-Unis.
• Au Japon.
• En Chine.
• En Afrique du Sud : recherche sur les aspects sociétaux.
Le laboratoire de Bordeaux est principalement en collaboration avec les autres laboratoires français mais également en lien avec des laboratoires en Grande Bretagne, en Espagne et aux Etats-Unis.
La dernière thèse sur l'albinisme a été soutenue en juillet 2024 par Modibo Diallo. Son principal axe de recherche a concerné la recherche et l’analyse fonctionnelle de variants pathogènes dans les régions non codantes des gènes d’albinisme. Il a aussi travaillé sur une cohorte de patients maliens. Sujet très intéressant car les travaux de recherche sur la génétique de l’albinisme se font essentiellement sur des patients européens, nord-américains et asiatiques (Chine, Japon). Modibo a notamment montré que si le sous type OCA2 est majoritaire, OCA1 et OCA4 sont également présents en Afrique Sub Saharienne, contrairement à ce qui est décrit de façon générale en Afrique. Il a le projet de tenter de poursuivre un travail sur l’albinisme au Mal.
Camille : Quelle est votre vision des missions du laboratoire à l'échéance de 10 ans ? Quel avenir pour la recherche sur l’albinisme à Bordeaux notamment en tenant compte de vos futurs départs à la retraite ?
- Benoît : sujet de réflexion déjà très actuel pour nous. Nous sommes tous les deux attachés à ce que la thématique se poursuive et nous espérons qu’il y aura des personnes qui pourront la reprendre. Nous sommes encore là pour 5 ans et nous souhaitons être toujours productifs pendant ces prochaines années, avec l’espoir d’attirer et d'identifier des talents.
En conclusion, il est aisé de mesurer toute l'importance des financements qu'apporte GENESPOIR - grâce à ses donateurs - pour faire avancer la recherche sur l'albinisme et pour, un jour sans doute, pouvoir apporter des améliorations notables dans la lutte contre cette anomalie génétique.
Faire un don pour faire avancer la recherche sur l'albinisme https://www.genespoir.org/page/219838-financer-la-recherche
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