Estime de soi et thérapies comportementales
Intervention de Béatrice de Reviers lors de la rencontre 2017 de Genespoir à Dijon.
Béatrice de Reviers est médecin généraliste. Née avec un nævus géant congénital, elle travaille, dans un cadre associatif, sur la thématique du regard des autres :regard de surprise, d'interrogation, de crainte parfois, qui est posé sur les personnes qui ont un physique différent.Le nævus géant congénitale est une maladie de peau qui survient dès la vie intra-utérine.Elle se caractérise par des grains de beauté géants qui peuvent couvrir jusqu'à 90% de la surface corporelle. Les lésions peuvent se porter sur toutes les parties du corps et sur le visage. C'est donc une maladie qui attire la curiosité et qui, par conséquent, peut stigmatiser.
Le regard des autres peut induire, chez les personnes atteintes d'une pathologie visible, un sentiment de honte et par conséquent, un manque de confiance en soi. Béatrice de Reviers a développé avec des associations de malades, des techniques comportementales pour gérer ce regard afin d'éviter de se laisser déborder par ses émotions. La collaboration entre les associations de malades, le Pr Pierre Vabre (dermatologue), Lorène Joly et Sandrine Massoni (psychologues) et le Dr Heather Etchevers (chercheuse à l'INSERM), a donné naissance à l'association ANNA. ANNA est un engagement pluridisciplinaire pour le développement de l’aide psychologique aux enfants atteints de dysmorphie, anomalies physiques ayant des conséquences sur l'apparence physique et l'esthétique de la personne. Le projet comprend la création d’ateliers thérapeutiques et la labellisation de stratégies comportementales.Nous avons tous été, en tant qu'enfant ou adulte albinos ou en tant que parent, confrontés au regard des autres et aux moqueries. Ce regard sera plus ou moins difficile à supporter selon les personnes. Il faut donc, apprendre à y répondre le plus sereinement possible. Béatrice de Reviers nous donne quelques clés pour réagir à ces situations. Les techniques dont elle s'est inspirée sont d'origine anglo-saxonnes, très pragmatiques et simples à utiliser.
Aller au-devant de nouvellesrencontres
La technique dite STEPS est à mettre en place quand on va rencontrer de nouvelles personnes. Elle comporte cinq aspects du comportement auxquels il faudra prêter attention : pensée positive, ton de la voix, regard, posture, sourire.S : Self talk (pensée positive). Cela consiste à se mettre en condition avant de faire de nouvelles rencontres. On se positionne de façon positive, c'est à dire que l'on a envie de rencontrer ces nouvelles personnes, on est bien dans sa peau et on y croit. T : Tone voice (intonation). Le ton de la voix doit être ferme, chaleureux et enthousiaste, engageant à la relation. E : Eye contact (regard). Il est important de regarder l'interlocuteur dans les yeux, capter si possible ce regard. P : Posture. La posture est également importante : tête haute, épaules en arrière, afin de donner l'image de quelqu'un qui est sûr de soi. S : Smile (sourire). Il faut apprendre à sourire et à être avenant afin d'inspirer la confiance et être accessible.
Guider la curiosité
Béatrice deReviers précise, que le regard d'interrogation, de curiosité est"normal", parce que votre interlocuteur est confronté à une situationdéstabilisante. Dès lors que nous prenons conscience du fait que cettecuriosité est normale, naturelle, nous l'acceptons mieux et il sera surtoutbeaucoup plus facile de la guider.La technique ERD(Expliquer, Rassurer, Distraire), inventée par l'association anglaise "changing faces" va permettre de guider cette curiosité.Expliquer : ils'agit d'expliquer dans des termes clairs et brefs la pathologie. Béatrice deReviers emploie le terme technique "nævus géant congénital" pourexpliquer sa pathologie. Ce terme peut être utilisé par un enfant de cinq anset il a le mérite d'être explicite et précis.Rassurer : indiquer que ce n'est ni douloureux, ni contagieux.Distraire : la troisième étape consiste à détourner l'attention sur un autre sujet. Pour les tous petits, on peut suggérer à l'enfant de proposer un jeu avec l'autre. Pour des plus grands, la technique consiste à capter un point positif chez son interlocuteur pour le mettre au centre de la conversation, ce qui est généralement très gratifiant pour lui et donc efficace.
Répondre à des moqueries, des regardsinsistants.
La stratégiecomportementale BEST (Behaviour Enhancement Skill Training) empruntéeaux grands brûlés permet de réagir à des situations de stress telles qu'unregard insistant, des réflexions, des moqueries.Face à un regard insistant, la technique consiste à fixer la personne dans les yeux puis à lui sourire. La situation est très déstabilisante pour l'autre qui ne peut que baisser les yeux. Si cela ne suffit pas, vous pouvez rajouter une phrase comme "bonjour, comment allez-vous ? Bonne journée n'est-ce pas ?". L'important est d'utiliser une phrase impersonnelle mais amicale. En général, la personne réagira d'une façon tout aussi amicale. En souriant et en allant au-devant des gens, vous modifiez la dynamique de la relation. Face à cela la personne vous regardera, comme une personne et non comme une maladie inconnue et angoissante.Prenons l'exemple d'un adulte qui se trouve avec son enfant atteint dans la queue d'un supermarché et reçoit des réflexions. Dans ce contexte, expliquez très brièvement la pathologie, précisez qu'elle n'est ni douloureuse ni contagieuse et terminez par une phrase du type "je vous remercie pour votre intérêt". Le "merci pour votre intérêt" signale à votre interlocuteur que le sujet est clos. Lorsque votre interlocuteur se montre insistant, vous avez le droit de dire quelque chose comme : "je n'ai pas envie d'en parler aujourd'hui mais un autre jour peut-être". Enfin souriez, puis passez votre chemin et concentrez-vous sur la suite de la journée.Face aux moqueries,il faut s'être préparé à l'avance afin de réagir efficacement et instantanément avec des réponses déjà pré établies. Les parents doivent insister sur le fait que l'enfant a sa fierté et sa dignité. Il ne doit donc pas tout accepter.L'enfant aura préparé des phrases types comme par exemple : "je te demande d'arrêter immédiatement car tu n'as pas à me parler ainsi" ou "je te demande d'arrêter immédiatement car je n'ai pas à entendre de telles sottises". Apprenez à l'enfant à répondre de façon ferme mais sans agressivité et à s'éloigner au plus vite de ce type de personnes. Si les moqueries s'installent, l'intervention d'un adulte peut s'avérer nécessaire afin que les enfants comprennent que ce type de comportement n'est pas tolérable et qu’il sera soumis si besoin à la surveillance d'un adulte.L'adulte doit intervenir avec fermeté mais aussi bienveillance, afin que la situation ne se retourne pas contre l'enfant.
Ne pas minimiser ne pasdramatiser, dialoguer.
Béatrice de Reviers termine en précisant les quelques pièges à éviter.Tout d'abord,il ne faut pas ignorer le problème. Quelquefois, les personnes du corps enseignant, par exemple, peuvent avoir envie de traiter l'enfant comme s'il n'avait rien alors que l'enfant sait pertinemment qu'il n'est pas comme tout le monde. Par ailleurs, tenir des paroles du type "il n'y a que l'intérieur qui est important" est une tentative de minimiser les choses qui ne satisfera pas l'enfant. Il est important que l'enfant puisse venir parler lorsqu'il en ressent le besoin. Le déni du handicap l'empêchera de venir exprimer ses craintes ou ses blessures Ne dramatiser pas la situation. Il faut être le plus naturel possible et simple dans la façon d'aborder le sujet afin de ne pas enfermer l'enfant dans son handicap.Le maintien du dialogue est essentiel. L'enfant doit pouvoir venir exprimer ses interrogations, ses craintes, ses angoisses mais aussi ses joies. N'hésitez pas à le faire accompagner par des professionnels de santé si cela vous semble nécessaire. Il est important de garder à l'esprit que l'enfant ne se résume pas à son handicap mais qu'il possède bien d'autres qualités. Il faut qu'il puisse passer outre et qu'il vive sa vie normalement.Un autre point abordé est l'attention à accorder au reste de la fratrie. Il est important que les frères et sœurs qui n'ont pas de handicap ne se sentent pas délaissés, qu'ils n'aient pas le sentiment qu'on ne s'occupe pas d'eux.Béatrice de Reviers dit souvent aux parents :"le meilleur spécialiste de votre enfant c'est vous, faites-lui confiance,faites-vous confiance".Liens utiles :
"Le regard de l'autre" conférence de B. de Reviers, TDEx Orléans.Page Facebook de l'Association Anna qui a pour vocation d'aider les personnes atteintes de handicaps esthétiques.Page Facebook de l'association du nævus géant."Tout un cirque" une bande dessinée au profit del'association du nævus géant, pour que les enfants comprennent que ladifférence est une force.
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